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Investir sans se faire arnaquer

Souvent, je croise sur les forums de discussion, ou autres réseaux sociaux, les histoires des non-mauriciens qui se sont faits arnaqués par des mauriciens. Les victimes sont bien souvent des investisseurs désirant investir et s’installer à l’île Maurice. Dans bien des cas, ces investisseurs désillusionnés n’ont d’autres choix que de plier bagage et de retourner chez eux, appauvris et désemparés, des fois même contraints de tout recommencer à zéro.


Cette expérience amère laisse des traces et l’île Maurice devient alors synonyme d’un pays rempli de gens malintentionnés. Ce serait injuste de généraliser ou de catégoriser tout un pays, mais le traumatisme justifierait l’état d’esprit des victimes.


Non, l’île Maurice est loin d’être un pays rempli d’escrocs malfamés. Cependant, la naïveté des uns peut être fatale aux autres. Les mauriciens ne sont absolument pas à classifier dans une catégorie d’exploitables car sous-intelligents (je parle en toute connaissance de cause). Le mauricien est généralement accueillant, souriant et très avenant – mais il n’est pas dupe. Tout sourire, il calcule aussi sa part du gâteau. Comme tout être humain, il peut aussi se plier face à la tentation. L’argent, surtout les fortes devises étrangères ne laissent personne insensible.


Il est essentiel de faire son petit travail de recherche avant de se lancer dans un projet d’investissement. Il est primordial de comprendre les lois et les conditions entourant votre projet avant de casser votre tire-lire. Ce n’est certainement pas une nouvelle pour vous si vous êtes déjà dans les affaires, sinon faites-vous accompagner par un expert. Les honoraires que vous paierez vous éviteront peut-être une perte beaucoup plus importante. Beaucoup de novices se sont fait avoir, croyant conquérir une île et une population naïve. N’oubliez jamais que vous mettez les pieds sur une terre étrangère et qu’il faut avant tout le faire sans prétention aucune.


L’histoire commence normalement par une annonce sur l’internet. On succombe facilement aux photos ou autres paysages paradisiaques ; une très belle vitrine certes. Quelques mots gentils d’un mauricien super-sympathique (je conçois que c’est tentant) et vous vous dites qu’il n’y a aucun risque. En fin de compte, difficile de croire que la malhonnêteté est aussi présente au paradis. Laissez-moi vous partager quelques points importants qui vous épargneront d’un traumatisme digne des feux de l’enfer.


Premièrement ne jamais faire confiance aveugle à des offres trop alléchantes. Une affaire qui marche super bien n’est

pas souvent en vente. Sautez les mots trop gentils et concentrez-vous sur les faits et informations concrètes. Les escroc s sont des beau-parleurs et peuvent vous présenter la lune sans aucun scrupule. Demandez les documents nécessaires pour chaque parole avancée. Documents d’immatriculation de Société, déclarations fiscales, copies des pièces d’identité de votre interlocuteur, son mandat pour représenter le vendeur du bien (si cela ne lui appartient pas), etc. Entrez dans le vif, le pourquoi de la vente et essayez de tout vérifier. Sans doute c’est assez compliqué de le faire à distance, donc trouvez-vous un professionnel opérant sur l’île. Il pourra contre-examiner mais aussi se rendre sur place pour un état des lieux. Il a aussi accès à certains registre public (cadastre, registre des commerces, casier hypothécaire, etc.).


Notez les réponses et étudiez-les. Portez une réflexion approfondie à tous les éléments fournis. Si le local est sous un bail, aurez-vous la possibilité de continuer / reconduire le bail en question ? Légalement (sous les lois mauriciennes), êtes-vous éligible à reprendre / opérer l’entreprise en question, est-ce éligible pour un permis de séjour…. Notez toutes vos questions et trouvez les réponses. Demandez à votre interlocuteur de les confirmer en écrit pour la traçabilité et demandez-lui d’en prendre la responsabilité juridique (et de se tenir responsable et redevable en cas d’information erroné, toujours en écrit). Nous proposons toujours un protocole d’accord afin d’assurer l’engagement des parties concernées. Dans la foulée, demandez les contacts des tierces qui sont concernés et contactez-les (propriétaire des lieux, le vendeur, les autorités concernées pour les licences, les débiteurs et créanciers, etc.). Dans la mesure du possible, obtenez aussi des documents écrits de leurs parts. Une approche scientifique et logique doit prendre le dessus sur le sentiment. Certes, votre accès aux tierces peut être limités en raison des conditions de confidentialités. Par contre, avec un protocole d’accord, il serait plus facile aux deux parties d’agir sous un cadre défini et donc l’accès aux tierces (par exemple) ouvert.


L'île Maurice est connue pour sa souplesse par rapport aux déclaration statutaires et fiscales. Il n’y pas de plan comptable mauricien. Notre système est calqué sur le modèle anglais car la majorité de nos experts comptables ou juristes ont une formation anglaise (historiquement). La simplicité en termes de déclaration est un des atouts de l’île. A noter, en passant, qu’à Maurice cette culture anglaise fait que les experts comptables sont mieux placés pour tout ce qui a trait à la gestion d’une entreprise, contrairement à la culture française où les avocats d’affaires sont les plus sollicités. Un avocat d’affaire ne peut pas faire un audit des comptes ni produire une analyse financière d’une entreprise. Il le soutraitera certainement à un expert-comptable. En plus les missions business sont moins lucratives que les affaires aux pénal – à Maurice, sauf dans des projets de grande evergure.


Profitant de cette souplesse, on peut clamer facilement des chiffres ‘non-déclarées’ et donc non-vérifiables. Un audit

serré peut aller au fond du sujet et identifier le vrai chiffre d’affaire, retraçant les entrées et leur canalisation vers d’autres destinations… Le but n’étant pas de déceler un détournement des fonds mais d’assurer qu’effectivement de telles entrées annoncées par le vendeur sont réalisables par l’entreprise. On peut, par exemple, vous indiquer de ne pas vous fier aux chiffres du relevés bancaires car certaines entrées n’ont pas été déclarées pour justifier une faible performance. Tout est vérifiable, si on sait comment s’y prendre.




Autre exemple : la masse salariale. Obtenez toutes les déclarations au niveau des charges sociales et fiscales ; elles confirmeront si l’effectif (au moins en termes de quantité) peut justifier les performances annoncées. Prendre une copie des factures fournisseurs des derniers mois et analyser si les intrants sont raisonnables comparés à la production.


Avant de conclure un accord (je ne parle même par de transfert de fonds) il y a pas mal de points de contrôle à passer. Il existe aussi des moyens pour confirmer les informations à travers autres sources que la partie venderesse. Certes, c’est compliqué quand la démarche est dans un pays étranger, mais les instruments et les personnes compétentes existent.


Quand on me demande d’intervenir en tant qu’expert, je me retrouve face à un gros obstacle. L’acheteur est déjà pris dans l’étau psychologique du vendeur. Une confiance déjà bien ancrée dans la tête de l’acheteur. Je joue alors le rôle de l’annonceur de mauvaise nouvelle. Pour mentionner à quel point le travail psychologique de certains vendeurs sont efficaces.


En dernier lieu, il y différentes écoles de pensées autour du rachat d’une entreprise. Certains achètent la rentabilité et d’autres, le potentiel. Bien souvent les entreprises vraiment rentables ne sont pas à vendre ; très difficile de vendre la poule aux œufs d’or. Si vous avez compris cela, c’est déjà une première manche de gagnée. Ceux qui misent sur le potentiel doivent avoir une idée précise sur les améliorations à porter à l’état actuel de l’entreprise. La clé est d’avoir en toute circonstances, les idées claires et non polluées par les arguments du vendeur. Même une entreprise dans un piteux état peut briller de mille feux sous la baguette d’un leader avec des idées bien précises.


Faites-vous accompagner là où vous avez un manque de connaissance. En fin de compte, l’acheteur sera le seul responsable de son faux pas. Il est très difficile, voire impossible, d’avoir recours contre un vendeur sans scrupule en absence de document juridique valable.



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